Daniel Derderian

Penser le processuel

Patronage laïque Jules Vallès

Oeuvres

Rectagular sun 2023

huile sur toile 195 x 114 cm

Rectagular sun 2023

Soleil rectangulair

huile sur toile 195 x 114 cm

 

Les mains posées derrière le dos, Il observe sereinement pleins de possibilités avant de s’engager. Il pense le processuel. Il est le point de repère pour les autres œuvres. Les transformations se passent autour de lui.

Travailler sur une grande toile est une expérience en soi, il y a plus d’espace. Les mouvements sont plus grands, la danse est plus physique.

Je voulais un sujet de plein-pied. Donner corps à une posture ancrée dans le sol, grandeur nature.

Le bassin relâché, il est disponible et détendu. Une allure intemporelle, qui se pose dans l’instant, ce lien simple entre le passé et le futur.

Il prend le soleil dans le visage. L’ombre du passé se dissout derrière lui et coule sur l’arrière de ses jambes.

Il est dans un vide paisible. L’autre moitié de la toile est libre, il y a de l’espace pour une autre personne.

Autour il y a un cadre rectangulaire jaune.

The seduction of knowing 2023

huile sur toile 195 x 114 cm

The seduction of knowing 2023 

La séduction de savoir

huile sur toile 195 x 114 cm

Partant d’une photo d’un jeune homme assis sur un tabouret, habillé avec un pullover blanc, regardant plein d’espoir vers le ciel, j’ai voulu explorer ses sensations du moment.

A la base, dans sa composition aux contours nets et graphiques, ma créature était assise sur une planche blanche, comme si elle allait tomber ou sauter dans le vide existentiel.

Après Rectangular sun, je trouvais le résultat trop fataliste et je lui ai créé une dynamique qui le retiendrai en place.

Pour l’ancrer j’ai déconstruit l’arrière du personnage en une masse couleur moutarde. Une autre dynamique ascensionnelle en ondulations bleues lui donne une verticalité en mouvement.

La spirale bleue me faisait penser au serpent dans l’histoire de la chute du jardin d’Eden juste avant qu’il essaie de séduire Eve avec la pomme, le fruit défendu de l’arbre de la connaissance.

Ainsi selon cette histoire, en quittant l’idéal paradisiaque, naissait la dynamique de la conscience, l’aptitude d’interpréter la réalité, de juger et de choisir entre le bien et le mal en toute subjectivité humaine, source de négociations et de conflits.

Le figuration a évolué d’une paralysie existentielle vers une dynamique tumultueuse du désarroi humain.

Cleansing 2023

huile sur toile 60 x 50 cm

Cleansing 2023

Purification   

huile sur toile 60 x 50 cm

 

La base est une photo d’un jeune homme qui s’enlace, style ‘mauvais garçon’ en autosatisfaction rassurante. Un innocente image de sensualité et d’intimité. Il prend le temps de ressentir son corps, de faire un câlin à lui-même. Approche physique et positive d’une introspection.

L’ensemble de l’image à une dynamique de purification, on pourrait imaginer qu’il est sous un flot d’eau.

Le contraste du clair-obscur accentue sa sensualité contre un fond ténébreux qui pourrait figurer la dynamique incontrôlable de son inconscient.

Ma composition pourrait aussi représenter un soldat vulnérable qui tient son fusil contre lui, abandonné dans ses questions sur l’éventuel sens de ses pulsions destructrices et autodestructrices.

Il incarne en douceur l’esprit critique et le désir de changement, de développement pour un mieux-être.

Autumn Pride 2023

feutre couleur et huile sur toile 50 x 40 cm

Autumn Pride 2023

Fierté automnale

feutre couleur et huile sur toile 50 x 40 cm

 

Avec une évidence naturelle, ce profil interagit paisiblement avec son environnement comme le va-et-vient des saisons. Je considère que je suis dans l’automne de ma vie.

Le sujet est lumineux, l’entourage plus foncé, terrien. Harmonie et contraste, cherchent un équilibre en mouvement.

Partant d’un contour solide et de quelques surfaces graphiques, je compose d’instant en instant. En observant, j’adapte, j’ornemente. A différentes mesures, la représentation peut évoluer vers l’abstraction et donner forme aux danses dans ma tête.

La dynamique de ma démarche est le résultat en soi, une composition inachevée. Ces œuvres qui ont trouvé une finalité, ou il n’y avait plus rien à explorer, n’existent plus, je les jette.

L’action et ma réaction sont les figurations ouvertes que je laisse sur le support, sans conclusion.

Le résultat est souvent un effacement des repères solides que j’avais mis en place. Un processus perpétuel de recommencement. Une tendre régression de l’animal vers sa nature.

Une dynamique de saisons, les changements se font. On les accueille, on peut les intégrer, on peut les ignorer.

Sculpting 2023

huile sur toile 55 x 46 cm

Sculpting 2023

Sculpter

huile sur toile 55 x 46 cm

 

Les cinq portraits sont faits à partir d’un même modèle ou son miroir, comme des transformations, différentes interprétations d’un contour solide, d’un archétype.

Avec Sculpting je me suis interrogé sur la différence entre l’intérieur et l’extérieur, sur la formation de repères intimes pendant notre enfance par notre éducation et notre environnement sociétal et culturel.

Dans son approche psychologique, cette œuvre représente pour moi une figure d’autorité paternelle, l’archétype d’un père qui nourrit la confiance, et guide au développement personnel, un père qui s’engage à l’opposé d’un père absent. Adolescent, j’ai passé beaucoup de temps à provoquer l’autre pour avoir une limite par son opposition, extériorisation d’un conflit interne.

La palette de couleurs est plutôt froide : beaucoup de bleu, couleur de la raison et du pouvoir, le marron pour la terre ou l’ancrage, le noir pour l’austérité, quelque touches de fuchsia pour un peu de vivacité et du blanc sali pour tâcher l’innocence. Finalement il y a beaucoup de nuances grisâtres.

Un psychologue voyait dans le portrait une ressemblance au psychanalyste Jacques Lacan, un joli compliment compte tenu de l’effet que je voulais obtenir : figurer un sujet qui inspire aux repères et qui pose des limites, créer une œuvre qui invite à la structure.

Sanguine 2023

huile sur toile 55 x 46 cm

Sanguine 2023

Sanguine

huile sur toile 55 x 46 cm

 

Sanguine est l’œuvre la plus académique parmi les cinq profils, la référence la plus accessible. Dans beaucoup de mes œuvres il y a un cri, celle-là reste relativement silencieuse.

Elle est inspirée par l’engagement et l’intégration évidente de l’individu passionné en relation avec des causes sociales. Je l’ai fait fin mars 2023, déjà au niveau météo, le mois le plus foudroyé depuis plus de 20 ans, avec plusieurs journées d’émeutes pendant les mobilisations nationales contre le projet de réforme des retraites et des grèves des transports publics. Un chaos global qui inspirait à rester composé.

Bien que l’image de base soit un profil d’homme, je veux y voir une Marianne, révolutionnaire, dans des tons bleu blanc rouge, une image de dignité opprimé, de courage et d’héroïsme. Le personnage fait front debout à toutes intempéries.

La partie rouge sang de l’œil et du front sont particulièrement réalistes.

Je verrai bien cette composition et ces couleurs sur d’ anciens billets de banques. J’aurais pu écouter  la chanson Paris brûle de Mireille Mathieu en la composant.

Digestion 2023

feutre fin, encre et huile sur toile 50 x 40 cm

Digestion  2023

Digestion

feutre fin, encre et huile sur toile 50 x 40 cm

 

Le même exercice avec le même modèle, avec des pulsions différentes, plutôt viscérales, cette fois ci.

J’ai souvent le désir de perdre le contrôle, de tout lâcher et sortir la beauté de la pulsion, sa puissance, sa fragilité, sa difficulté. Parfois je salie, j’efface, je gratte au couteau jusqu’à la destruction.

Cet exercice par le lâcher prise, à vouloir montrer ce qu’on ne veut pas forcément voir, est difficile, plein de contradictions.

Ce processus se veut cathartique et libérateur. La créativité explore les limites pour se recadrer.

La lecture du résultat est très variable et ouverte. Ce que chaque individu gère avec ses tripes est très personnel.

Par les couleurs salies, la composition chaotique, l’image pourrait aussi faire référence à la nausée de l’excès, des associations historiques à une décadence romaine, à la chute d’une civilisation et à la régression à l’état animal ou simplement à la perte de raison dans la folie. Il reste de nombreuses autres possibilités pour la regarder.

Fungus 2023

huile sur toile 50 x 40 cm

Fungus 2023

Champignon

huile sur toile 50 x 40 cm

 

Fungus pourrait être la figuration d’un enfant qui se cache dans le décor, paumé dans sa conception de l’amour et sa relation aux autres. Effrayé, il cherche sa place, sans savoir exactement comment.

Une image confuse entre figuration et abstraction, un mélange organique aux couleurs de terres foncées et de compost pourrait figurer la dynamique souterraine d’un inconscient collectif.

Les couleurs dominent sur les formes. Le sujet se fond dans son environnement, les démarcations s’embrouillent.

A travers un regard plus abstrait on pourrait voir un champignon. Cette espèce vivante considérée autrefois comme primitive, parfois même dégénérée et dépendant d’un hôte.

Comme des traces indéfinies laissées dans la terre, cette œuvre questionne l’identité propre en relation avec l’autre, la dépendance et l’indépendance, la peur de l’engagement et la peur de l’abandon.

Il y a des gens qui veulent se distinguer individuellement, Il y en a qui veulent s’engager pour faire partie de quelque chose de plus grand, d’autres veulent simplement se fondre dans la masse.

Pleins de possibilités de choix individuels à faire.

Daniel Derderian 2023

© photo Philippe Merchiers

démarche artistique

Avec une tendre colère, Daniel Derderian est en quête de cohérence entre l’image sociale et la sensation particulière d’être un individu, il crée des dynamiques entre la surface et le fond.
En déconstruisant des images formatées et idéalisées, il explore les torsions de l’âme, la force et la vulnérabilité que nous portons en nous par nos secrets.

Il compose des portraits inachevés pour préserver une dynamique ouverte (intrinsèque à l’œuvre). Par une mise en lumière de nos particularités, de notre étrangeté, il crée un monde de diversité, coloré, excitant.
Ses sujets se présentent dans leur intimité, comme des créatures hybrides dans un monde situé entre le rêve et la réalité.

Daniel Derderian puise ses modèles dans l’univers séducteur et artificiel de la mode.
Les peintres contemporains qui l’inspirent, seraient Egon Schiele pour la forme et la tension des corps et Francis Bacon pour la torsion et déformation de la réalité, Par son vécu aux Pays Bas, ses références classiques seraient Rembrandt, pour son obscurité lumineuse et certains Primitifs Flamands, pour leur étrangeté mystique.

Daniel Derderian travaille dans l’urgence, tiraillé entre le frein pudique d’un adulte et la fantaisie illimitée d’un enfant sauvage.
Il met d’abord en place un repère solide avec le crayon, le feutre, le pinceau. Il continue avec le couteau, le chiffon, le doigt, du white spirit pour obtenir de la décoration ou de l’effacement, parfois jusqu’à la destruction. Entre paraître et être, confus entre différentes réalités, il explore les frontières entre figuration et abstraction.

Après la réalisation, il décrit son œuvre à une autre personne, son ‘porte-parole’, qui lui donne un nom en Anglais. Un processus de distanciation et une première interprétation.
Daniel Derderian cherche une connexion simple, une dynamique, une libération, l’émergence de petites histoires qui sortent du non-dit. Chaque œuvre est encadrée de la même façon, à la manière d’un corset.

Daniel Derderian 1983

© photo Het Nationaal Ballet

 biographie

Daniel Derderian vit et travaille entre Montreuil (Paris) et Gand en Belgique. Il est né à Marseille en 1962, de parents d’origine Arménienne. Il est de la troisième génération après le génocide.

A onze ans, pour éviter une explosion intérieure due à des choses de la vie qu’il ne peut comprendre, il sort dans la rue avec un petit couteau de table dans la main en criant sa fureur de ne pas trouver sa place dans le monde. Un psy lui conseille un hobby, il prend des cours de danse classique. La danse, le cinéma, la lecture, l’art et la créativité deviennent ses moteurs de survie. Il se cultive en faisant l’école buissonnière.

A quinze ans et demi il obtient son premier contrat de danseur classique et complète sa formation au Centre de Danse International Rosella Hightower à Cannes.

Adolescent, il se maquille les yeux et porte des vêtements qui font retourner le regard des gens sur son passage. Cette provocation l’excite. Ça lui plaît de renvoyer l’autre à ses propres normes.

Professionnellement, il continue à fonctionner principalement sur la séduction de son apparence. Il commence à 17 ans en tant que danseur classique au Ballet National de Marseille Roland Petit, puis au Het Nationaal Ballet d’Amsterdam. Il travaille ensuite dans le monde pailleté du show-business et prend des cours de théâtre avec Vera Goreva du théâtre d’Art de Moscou Stanislavsky.

En 1995, il monte avec son copain de vie Flamand la compagnie de théâtre Viande. (étym. Vivenda : ce qui sert à la vie) et fait l’écriture et la réalisation de trois créations. Il présente un univers où réalité et illusion font des va et vient permanents. Les coulisses sont supprimées.

En 2008, il abandonne la scène et commence son travail de plasticien.

Ses premières œuvres sont des collages à base de radiographies – un matériel clinique qui montre objectivement l’intérieur d’un corps. Il explore ses origines, ses influences culturelles et son quotidien. Il met ses œuvres dans un caddie, entre dans une galerie à Marseille qui les expose en solo la même année.

L’année d’après, il crée une collection d’objets-sculptures, des totems urbains qu’il expose dans la même galerie. Il détruira, plus tard, une grande partie de cette œuvre.

En 2015, Daniel Derderian passe au dessin et aux techniques mixtes sur des grandes feuilles de papier. Il crée ses premiers portraits hybrides, des compositions par couches, du squelette jusqu’à la peau. L’année d’après, il transpose le même processus avec de l’acrylique sur des toiles et laisse ses sujets isolés sur un fond vierge.

En 2019, il se sent prêt pour passer à la peinture à l’huile et ajoute des fonds. Aujourd’hui, la plus grande partie de son œuvre est constituée de portraits. Son approche reste pulsionnelle et sa productivité compulsive lui a permis de réaliser plus de mille toiles et dessins.

Il est à ce jour artiste résidant à la Galerie Thomé à Paris et à la galerie Nobody&Friends à Anvers en Belgique.

Il est membre de La Condamine et du collectif DF Art Project qui met en lumière le Destructuralisme Figuratif.